Une nouvelle édition de la Vīta Nerōnis sort aux éditions du Relief ces jours-ci, à l'intention des jeunes gens qui présenteront le latin au bac en 2013 et 2014, accompagnée d'un dossier complet, d'extraits de traductions du XVIe siècle à nos jours et d'une abondante annotation, tant au plan de la langue qu'à celui de l'histoire. Voici la présentation qu'en font les auteurs:
À l’occasion de l’inscription de la Vīta Nerōnis au
programme du baccalauréat pour les années 2014 et 2015, nous nous
proposons d’offrir aux lycéens et aux amateurs de latin une
édition qui renouvelle et refonde l’étude du latin. Cette édition
rend accessible le texte de Suétone, en latin, et avec l’appui des
technologies du XXIe siècle.
Mission impossible, nous répondra-t-on : le latin,
définitivement, n’est pas une langue « facile » ; même un
latiniste chevronné doit, pour lire un texte en latin, fournir un
effort considérable. Le seul moyen d’échapper à la difficulté
du latin, c’est d’échapper au latin. Il est vrai que si l’on
ne s’intéresse qu’à ce qui est facile, mieux vaut fuir l’étude
du latin ; mieux vaut même,d’ailleurs, fuir les études en général...
Là n’est pas la question. Nous nous adressons à ceux qui
souhaitent accéder directement à un texte écrit voilà deux mille
ans, et avoir le sentiment d’approcher le plus près possible
l’esprit et la voix du peuple qui domina le monde pendant plus de
cinq cents ans. À ceux-là, nous proposons un texte à la fois
complet et accessible. Comme nous n’avons pas eu la chance que nos
parents nous parlassent latin au berceau, nous acceptons bien
volontiers quelques béquilles pour le lire « dans le texte ».
Pour ce faire, nous continuons une solide tradition scolaire, en
accompagnant le texte d’un dossier et de notes qui éclairent et
font vivre le monde que décrit Suétone. Surtout, nous reprenons
l’édition du texte pour qu’elle soit le plus accessible pour des
jeunes gens nés à la fin du XXe siècle, à l’exemple
des grammairiens alexandrins qui rendaient accessible Homère et
Sophocle aux Égyptiens, aux Perses, aux Indiens, qui avaient appris
le grec comme une langue étrangère.
D’une part, toutes les difficultés de la langue de Suétone,
lorsqu’il s’écarte de la norme grammaticale scolaire, sont
éclaircies par des notes de bas de page. D’autre part, avec l’aide
que nous offrent les logiciels modernes de traitement du texte, nous
avons revu toute la ponctuation traditionnelle du texte, puisqu’elle
relève presque intégralement de l’éditeur (elle était quasi
inexistante à l’époque classique), toujours pour rendre la
lecture plus fluide et l’analyse plus souple. Ainsi, nous avons
raccourci autant que possible toutes les phrases. Non que nous les
ayons amputées : nous avons simplement placé un point dès que
c’était logiquement possible, y compris en cas d’asyndète, de
coordination par un simple -que. Bien plus souvent que nos
prédécesseurs, nous avons considéré les pronoms relatifs comme
des « relatifs de liaison ». De sorte que le nombre de « périodes
», de longues phrases devant lesquelles notre esprit, quelquefois un
peu embrumé ou découragé, reprend son souffle avec une légère
pointe d’angoisse, est considérablement réduit. Nous avons aussi
usé de la virgule et du point-virgule sans parcimonie, considérant
en particulier que les participes sont apposés, quand bien même le
pronom auquel ils se rapportent n’est pas exprimé, de sorte que
les groupes de mots sautent aux yeux du lecteur : le temps de
réflexion et d’analyse est dès lors raccourci.
Enfin, avec l’aide du logiciel Longīs, élaboré par
Gilles de Rosny, nous avons marqué par des signes de « longue »
(des macra) toutes les voyelles longues du texte. Aux
passionnés qui souhaitent s’approcher autant que possible de la
vōx latīna, de son accentuation et de sa prosodie, ces
signes diacritiques apportent une aide précieuse ; mais surtout,
quel que soit l’intérêt qu’on porte à la restitution de la
voix des latins, cette information supplémentaire simplifie la tâche
de qui veut comprendre un texte latin. De même qu’un Latin
entendait qu’un nom en -ā était un ablatif, qu’un autre
en -ūs était un génitif, de même notre lecteur moderne
verra que tel adjectif en -a ne saurait se rapporter à tel
nom en -ā.
Si vous êtes latinistes, faites-en l’expérience ; lisez
quelques lignes de notre édition. Vous constaterez de vous-même
combien la lecture en est facilitée. Si vous êtes enseignant,
faites l’expérience d’en traduire un passage avec vos élèves.
Vous verrez la différence !
Nicolas Lakshmanan
professeur agrégé de grammaire
Christophe Raphel
professeur agrégé de lettres classiques