Nous avons essayé d’échapper à un simplisme réducteur ; mais nous pensons qu’un tel texte intéressera qui est curieux de linguistique et de pédagogie — d’autant plus que toutes les critiques seront ici bienvenues !
]]>Texte légèrement amendé le 1er décembre 2024.
]]>vous qui avez choisi la spécialité « Humanités, Littérature et Philosophie », vous inscrivez parfois, en tête de vos copies, en abrégé, « Humanités ». C’est une très bonne idée, qui vaut mieux que le fumeux acronyme « HLP »; cependant, il faut bien veiller à écrire « Humanités » au pluriel, parce que ce n’est pas exactement la même chose. Les humanités, ce sont les études qui vous donnent une certaine culture, laquelle est censée vous rendre plus humain : les langues, la littérature, l’histoire, la géographie, etc. L’humanité au singulier, c’est ce vers quoi vous tendez : vous cherchez à être plus humain, plus civilisé, plus cultivé, c’est-à-dire à développer, à améliorer votre humanité.
En somme, la matière que vous étudiez s’appelle les humanités, et elle vise à augmenter votre humanité. Comprendre cette articulation permet de mieux comprendre ce que nous faisons en cours d’Humanités. Mais pour comprendre cette articulation, il faut être capable de distinguer les deux notions ; c’est pourquoi je tiens à ce que vous placiez cet -s à la fin du nom de notre discipline, et que vous obtenez un petit bonus si vous y pensez : la question de l’orthographe ici n’est pas seulement une question de forme ; c’est une aussi une question de sens.
P. S. : Au fait la réponse à la question posée dans le titre : « Les deux, mon capitaine ! » : étudions les humanités, pour notre humanité.
]]>Attention ! en règle générale, en français, la lettre ‑y‑ ne représente pas le même son que le groupe ‑ill‑, c’est-à-dire, dans l’alphabet phonétique international, la semi-voyelle [j], qu’on appelle aussi « yod ». La lettre ‑y‑ ne sert à noter ce yod qu’au début des mots, comme dans « yaourt ».
En revanche, elle sert, en règle générale, à noter le redoublement du ‑i‑, c’est-à-dire à remplacer deux ‑i‑. Ainsi, dans « crayon », tout se passe comme si l’on avait « crai-ions » ; c’est pour cela que dans « crayon », la lettre ‑a‑ ne se prononce pas [a], et qu’on entend le son du ‑è‑ (en alphabet phonétique international [ɛ]). On pourrait s’inquiéter du fait que le second ‑i‑ de « crai-ions », symbolisé dans crayon, ne représente pas la voyelle [i], mais la semi-voyelle [j], le yod. En réalité, cela ne pose pas vraiment problème au plan pédagogique, pas plus que le yod qu’on entend dans « nous aimions ».
C’est un problème très important, auquel il vaut mieux veiller très tôt, dès le CP, afin d’éviter de créer des difficultés aux élèves, qui participent à leur rendre l’acte de lecture opaque, à créer des dyslexies acquises — ce que Colette Ouzilou appelait des troubles d’apprentissage de la lecture-écriture. Professeur de lycée, chaque année, quand je fais apprendre et réciter des poèmes comme « La ballade des pendus » de Villon, ou « Après trois ans » de Verlaine, je constate que plusieurs élèves dans la classe n’ont pas appris cela, de sorte qu’ils disent « N’aillez les cœurs contre nous endurcis », ou « Aillant poussé la porte étroite qui chancelle ».
Il faut cependant noter une des sources de la difficulté ; c’est que le français emprunte parfois des mots à des langues étrangères, en adoptant une logique de transcription différente de la logique orthographique française : une logique naturelle pour les langues où ce n’est pas le graphème -il(l)- qui note le phonème [j]. Ainsi, l’on note le nom emprunté à l’arabe abaya, qui fit les choux gras des médias à la rentrée 2023, alors qu’on le prononce «abailla» ; ainsi ne lit-on pas le nom du tennisman espagnol Carlos Moya « Moi-ia », mais « Mo-ya » ; de même pour les emprunts à l’anglais boy ou au yiddish goy, même si en l’espèce il ne s’agit pas d’un ‑y‑ entre deux voyelles.
Il faut d’autre part rassurer ceux qui craindraient que ces exceptions eussent rendu l’orthographe française anomique sur ce point : c’est bien pour la plupart des mots rencontrés avec un yod entre deux voyelles qu’on écrit ‑ill‑ ; c’est bien pour la plupart des mots où l’on trouve un ‑y‑ entre deux voyelles qu’on doit lire deux ‑i‑.
Ainsi de ayez, ayons, ayant… et même de oyez, qu’on doit lire « oi-iez » ([waje]). De même pour layon, rayer, rayon, loyer, loyal, moyen, moyeu, noyer, frayer, effrayer, fuyez, fuyons, essayer, soyeux, essuyer, zézayer, choyer, abbaye, aboyer, appuyer, payer, ployer, employer, étayer, pagayer, égayer, croyez, ennuyer…
Notez enfin que bien comprendre la différence fondamentale entre l’‑y‑ entre deux voyelles et le ‑ill‑ permet de comprendre pourquoi « paille » ne se prononce pas comme « paye », ou « pagaille » ne se prononce pas comme « pagaye ».
[N. B. : Vous pourrez bientôt retrouver cet article sur le site du GRIP : www.instruire.fr.]
]]>Je commencerais par la lecture régulière de livres de contes et de récits qui utilisent ces temps. Les professeurs de lettres connaissent tous très bien des petites filles et des petits garçons qui commencent très jeunes à avoir l’intuition de ces temps, parce que leurs parents leur lisent des histoires — et comme ils sont professeurs de français, bien souvent ils transforment l’usage systématique du présent de narration en temps du passé. Si on ne lit pas aux enfants, à voix haute, souvent, de telles histoires, on est ensuite obligé de passer par des théories qui ne marchent pas — ou alors, qui marchent mais sont bien compliquées, quoique nécessaires quand on enseigne le français comme une langue étrangère ou comme une langue seconde.
Donc la lecture. Mais d’abord la lecture à voix haute : si le passé simple n’est plus qu’un temps de la prétendue « langue écrite », il est mort, il n’existe plus à plus ou moins brève échéance. S’il existe dans la haute langue orale, comme le dit Christian Montelle, il peut devenir intuitif. D’ailleurs c’est valable pour ces intermédiaires entre la lecture à voix haute et la conversation courante que sont les fables, les contes, les épopées.
Je m’arrête un peu sur la question du conte. Montelle, professeur de français et conteur, défend, dans son essai, défend la pratique de conter en utilisant le passé simple et l’imparfait. Même quand on conte de mémoire, avec une part d’improvisation. Je m’y essaie de temps en temps; au début j’avais tendance à ne conter qu’au présent de narration (et au passé composé). C’est une pratique courante chez les conteurs, qui ont souvent appris qu’il fallait éviter le passé simple à l’oral et que le présent de narration était nécessaire pour captiver l’auditoire. Mais je crois que venaient aussi s’insérer des imparfaits; puis il est arrivé une ou deux fois, après m’être forcé un peu, que je me suis surpris à conter avec des passés simples qui sont venus de façon vraiment naturelle, et surtout qui sonnaient naturellement.
Donc : des exercices comme ceux qu’évoque Véronique Marchais, auteur entre autres des manuels Terre des Lettres, et des fables, des contes, des épopées, à lire silencieusement, à voix haute, à apprendre par cœur, à réciter, à conter.
J’ai aussi idée que pour savoir utiliser l’un et l’autre, il faut commencer par savoir les repérer au plan morphologique, et que des exercices d’orthographe-conjugaison où l’on apprend d’une part à conjuguer correctement l’imparfait dans des phrases où on met l’imparfait, d’autre part à conjuguer correctement le passé simple dans des phrases où l’on met le passé simple peuvent être utiles. Il s’agit non de jeter l’élève dans des abîmes de perplexité pour choisir entre les deux temps qui sont très souvent possibles l’un et l’autre et réalité. Il s’agit de donner peu à peu l’intuition de l’un et de l’autre. Il s’agit aussi de donner l’ébauche de théorisation que nous avons eue, nous les vieux, parce que nous savions distinguer au plan morphologique les deux temps, de sorte que lorsque nous les rencontrions ces temps, notre cerveau pouvait se dire « Ah oui, d’accord, là il y a un imparfait, ici un passé simple. Je note ».
J’ai essayé de proposer une leçon et des exercices dans ce sens dans mon Cours d’Orthographe Française, conçu pour les lycéens et les étudiants, pp. 205-209 et 216-220. Vous verrez aussi que j’ai aussi essayé de proposer des exercices qui tentent d’utiliser les valeurs des temps théoriques, mais en évitant, encore une fois, les abîmes de perplexité… et, comme le recommande Jean Cassard, en évitant les phrases fabriquées ad hoc. N’hésitez pas à critiquer ! Voici ces pages.
]]>Au sein de l’orthographe, la conjugaison tient une place particulière : d’une part le verbe est en quelque sorte la clé de voûte de la phrase ; d’autre part, il varie en voix, en mode, en temps et en personne. C’est pourquoi dans la conjugaison du verbe se concentrent les difficultés et les délicatesses les plus nombreuses de la langue française.
Nous proposons ici, pour apprendre à la maîtriser, une méthode à la fois traditionnelle et extrêmement nouvelle, qui permet d’apprendre beaucoup plus facilement toute la conjugaison de chaque verbe de la langue française, à l’aide des « temps primitifs » : ils donnent en une seule ligne toutes les informations nécessaires pour conjuguer correctement un verbe français.
Ce cahier propose 31 leçons et 367 exercices, basés essentiellement sur les auteurs — et les autrices ! — classiques : l’étude de l’orthographe y est ainsi continuellement associée à celle du vocabulaire, de la syntaxe et de la littérature. Vous pouvez le consulter dans son intégralité ci-dessous.